jeudi 7 décembre 2006

2eme EPISODE DE LA SATIRE DE NICOLAS SARKOZY

voyez le pli à la commissure de la bouche l'homme est furieux et blessé
Ce serait de toute façon, une belle revanche. Il y a encore quelques années, après l’échec d’Edouard Balladur, qu’il avait soutenu dans la course à l’Elysée, son image était sacrément écornée plus que cela il a été diabolisé.
Quelques rappels s’imposent,
Lors du raz-de-marée de la droite, en 1993, il est élu député de Neuilly puis nommé ministre du Budget dans le gouvernement d'Edouard Balladur. Il y fait son apprentissage des rouages gouvernementaux. Son image médiatique commence à se façonner et il fait figure d'un des plus dynamiques ministres de l'équipe gouvernementale mais pas spécialement le plus efficace car sa gestion budgétaire laisse à désirée. En1995, il soutient Édouard Balladur pour la campagne présidentielle mais c'est finalement Jacques Chirac qui est élu.
A croire qu’a cette époque les français ne voudront déjà pas comme président de la république d‘un fils d’immigré, est ce un signe du destin ?
Après cela Nicolas entre en discorde avec le président, il ne sera plus jamais le favori, quelque soit les gouvernements à venir il sera toujours l’éternel second.
Il en perdra même la confiance du parti, il en va de même de la part de l’entourage du président Jaques Chirac ; Alain Juppé dans son nouveau gouvernement ne lui accordera pas la moindre confiance et il n'obtient aucun poste ministériel.
De plus au cours d'un bref passage à une réunion nationale du RPR, le 15 octobre 1995, il est sifflé, conspué la descente aux enfers avait bel et bien commencée.
A-t-il seulement oublié dans ces salles de militants RPR hostiles qu’il tentait de reconquérir, durant l’hiver 1995, en lançant bravement, de la tribune : "Merci d’avoir invité un traître ! " A-t-il oublié les pancartes " Sarko salaud ! ", brandies dans les réunions gaullistes. Alain Juppé, qui stigmatise l'héritage du gouvernement Balladur, reproche à Nicolas Sarkozy sa mauvaise gestion budgétaire, notamment à travers le discours de politique générale du nouveau Premier ministre. Le budget 1995 est particulièrement remis en cause en raison de plusieurs mesures qualifiées d'électoralistes par de nombreux analystes et journalistes.
Le but avoué de Nicolas Sakozy n’est pas de prendre des mesures importantes, comme la réforme de l’assurance maladie ou de s’attaquer à réduire la dette de l’état ; celles ci le discréditeraient auprès des Français ;
Nous verrons plus tard que des coups d’éclats ponctuels tels ceux concoctés comme ceux sur l’insécurité, ou l’immigration lui seront bien plus profitables.
En 1999, il devient brièvement président du RPR et conduit la liste RPR-DL de son parti uni avec Démocratie Libérale aux Élections européennes de 1999, marquées par le désistement de Philippe Séguin et une lourde défaite : sa liste arrive en troisième position avec seulement 12,8 % des suffrages (contre 25,58 % pour l'union RPR-UDF, arrivée en première place, conduite par Dominique Baudis en 1994 et 16,4 % pour l'UMP en 2004), derrière celle de Charles Pasqua (13,1%) avec qui il a toujours joué « à moi je t’aime toi non plus ». Il abandonne alors toute responsabilité au sein du parti et se retire de la politique nationale. Pendant cette période, il publie un livre, Libre. Il recherche encore sans aucun doute les causes de l’échec cinglant des élections européennes de 1999 . Les instituts de sondages IFOP, CSA, SOFRES, Louis-Harris énoncent de façon pédantesque, la liste des travers à corriger : "agité", "brutal", "caractériel", "infidèle", "looser jamais winner " celle ci est volontairement limitée tant le personnage est difficile à façonner ? Et maintenant, le voici qui par quelques coups d’éclats dépasse Jacques Chirac en popularité. Le voilà portés aux nues par l’électorat de droite, surtout elle du capitalisme car ne nous leurrons comme le dirait le sieur Raffarin « la France d’en bas ne l’intéresse pas ». « C’est toujours tout l’un ou tout l’autre avec moi, dit-il avec un brun de malice. J’ai l’habitude. On dit : "Il ne sera jamais aimé des Français et cela est bien vrai ", et le lendemain : "Il pourrait jamais devenir le président de la République, ou alors celui minorité ; celle du capitalisme!"

Les copains de toujours, ceux des anniversaires où l’on chantait Johnny, jurent qu’ils n’ont jamais cru que "Nicolas" ne puisse pas parvenir là où il le voulait. Depuis le temps qu’ils constatent son appétit pour la politique et le pouvoir...

Appétit, tel est bien le mot. Combien l’ont entendu s’enflammer en énonçant ses ambitions : "Qu’est-ce que tu veux, j’ai faim ! " Même Alain Juppé, qui ne l’aime pas, n’a jamais sous-estimé cette boulimie d’action. Que disait-il lorsque, en mai 1995, tout le monde croyait Sarkozy enterré ? "Pfff... Il est suffisamment intelligent pour nous inventer un numéro et revenir par la fenêtre." Ce n’était pas mal vu de la part d’un rival. Sarkozy a fait son numéro, celui dont il a toujours usé : il s’est rendu indispensable. Cela lui a pris presque sept ans, mais même les Chirac ont en partie cédé. "Tout ce que j’ai, je l’ai conquis tout seul. On ne m’a rien donné", dit-il. Puis il ajoute avec orgueil : "Mais quel parcours, tout de même, depuis que mon père est arrivé ! "




Le père de Nicolas. Au fond, c’est presque par là qu’on aurait dû commencer. Car c’est une sacrée figure paternelle que ce Sarkozy-là. Un homme fantasque et séduisant, léger et intelligent, contre qui ses enfants se sont beaucoup heurtés et à qui il a fallu beaucoup pardonner, mais qui est l’une des clés, à n’en pas douter, de ce qu’est devenu Nicolas. Il raconte son histoire comme on lirait un roman, avec ce léger accent hongrois qu’il n’a jamais tout à fait perdu depuis presque cinquante ans qu’il est en France. Pal Nagy Bosca y Sarközy est né à Budapest en 1928. Une enfance d’aristocrate, dans un monde qui ne savait pas encore qu’il allait disparaître. Pension en Suisse, où l’on apprend le français, vacances dans la vaste propriété familiale, entouré de domestiques. Lorsque les Russes arrivent, en 1944, la famille part quelque temps en Autriche, mais rentre deux ans plus tard, sans mesurer le bouleversement qui se prépare. "Je crois que mon père ne comprenait rien à la politique", dit aujourd’hui Pal Sarkozy. Il va en faire un apprentissage accéléré. Le domaine est saisi. Les fils appelés à servir les occupants soviétiques. Pour échapper à l’armée, Pal s’enfuit en Allemagne, dont il parle la langue, s’engage dans la légion étrangère pour passer en France avec une seule idée : rejoindre Paris. A la Légion, on a franchement raboté son nom. Pal Nagy Bosca y Sarkozy devient Pal Sarkozy. Il atteint enfin son but en 1948. Sa mère et ses frères n’ont pas pu quitter la Hongrie.

"Je suis arrivé comme un clochard, place de l’Etoile, dit-il, j’étais un réfugié politique fuyant le stalinisme et la France m’a accueilli." Il est beau, cultivé, séduisant, amusant aussi. Il sait peindre et, depuis qu’il s’est refait un petit pécule, il s’habille avec une élégance extravagante. Son entregent, son français, son éducation le font vite entrer dans la société parisienne de l’époque. Une amie va bientôt lui présenter sa sœur, Andrée, une fille de médecin qui habite dans un petit hôtel particulier du XVIIe arrondissement, rue Fortuny. Coup de foudre, mariage. Il est apatride pourtant, et son beau-père demande pour lui la nationalité française. "Je l’ai refusée. Je ne me sentais pas prêt." Pal Sarkozy veut bien seulement franciser son prénom en Paul. Mais les trois garçons qui vont naître, Guillaume en 1952, Nicolas le 28 janvier 1955 et François en 1957, seront élevés sans connaître autre chose de


la Hongrie que l’histoire romanesque de leur père, son anticommunisme et le souvenir de ses tractations pour faire sortir l’un de leurs oncles d’une prison soviétique où il est interné. "Je n’ai jamais voulu leur apprendre le hongrois, dit-il aujourd’hui. Vous comprenez, c’est un tout petit pays, cela n’était pas utile. Et puis je voulais que mes enfants soient entièrement français."

Seulement, le couple se déchire. Paul et Andrée Sarkozy divorcent quand Nicolas a cinq ans. Sa mère va maintenant tenir le premier rôle. Elle ne travaillait pas. Elle reprend des études de droit, passe son certificat et devient avocate. "Au début, j’ai fais du pénal, dit-elle. J’y ai connu des gens que je n’aurais jamais rencontrés. J’en ai tiré deux convictions fortes : tout le monde est récupérable et la peine de mort est une monstruosité." Pour tenir un peu ses trois fils, elle a opté pour un cours privé, très chic, Saint-Louis de Monceau. Et déploie des trésors d’énergie et de bonne volonté pour maintenir le contact entre les fils et leur père.

Car Paul Sarkozy s’est remarié une fois, deux fois, trois fois même. Quatre épouses pour un même père... Cela vous donne tôt l’image de ce que peut être une famille recomposée. "En tout cas, nous avons tous les trois divorcé", constate Guillaume, l’aîné. De son troisième mariage, Paul Sarkozy a eu deux enfants, Olivier et Caroline, qu’Andrée reçoit chez elle et que ses trois fils considèrent comme leur frère et sœur. "Elle a été formidable, dit Paul en souriant. J’ai toujours épousé des femmes intelligentes."

Mais Paul suit maintenant l’adolescence de ses trois fils à distance, et ces derniers ne comprennent pas ce qu’ils prennent pour de la désinvolture à leur égard. François Sarkozy, le plus jeune, qui lui écrit vers l’âge de 17 ans une lettre pour le lui reprocher, reçoit en retour une carte sur laquelle son père dit tout bonnement : "Je n’ai pas appris à me justifier auprès de mes enfants." "Sa philosophie était un peu celle-ci : je ne vous dois rien, vous ne me devez rien, résume l’aîné, Guillaume. Cela nous a sans doute poussés à travailler pour nous-



mêmes. Mais je ne peux pas dire que nous l’ayons toujours bien digéré."

Nicolas, lui, a lâché un jour, dans une interview, cette phrase qui a sidéré sa famille : "Ce qui m’a façonné, c’est la somme des humiliations d’enfance... Je n’ai pas la nostalgie de l’enfance parce qu’elle n’a pas été un moment particulièrement heureux."

Est-il si malheureux, vraiment ? Matériellement, les conditions sont loin d’être misérables. On vit dans l’hôtel particulier du grand-père, rue Fortuny, on passe les vacances près de Royan, sur la côte atlantique. "Nous avions une vie très gaie, tout de même", assure Andrée Sarkozy.

Y a-t-il alors une reconstruction du passé, afin d’atténuer l’image bourgeoise qui a parfois dangereusement collé au maire de Neuilly ? Où est-ce vraiment la force de cette conviction de s’être fait tout seul ? En l’absence de ce père égoïste et charmant, s’est imposée une nouvelle autorité en la figure de son grand-père maternel, Benedict Mallah. C’est un gaulliste convaincu. Pas un militant actif. Mais un gaulliste affirmé. Sa famille a quitté la communauté juive de Salonique au début du siècle et il s’est converti au catholicisme en épousant sa femme. De cette culture juive, il ne transmet rien. Mais, dans les moments politiques les plus difficiles, Nicolas Sarkozy a toujours affirmé avoir reçu des lettres antisémites.

En attendant, Nicolas est un élève moyen. Il est plus petit que ses frères, mais cela ne l’empêche pas de tenir tête à son aîné. Guillaume se sent investi de l’autorité paternelle. Nicolas n’en a cure et grince souvent un "Tu ne me fais pas peur ! " qui sonne familièrement aux oreilles de ceux qui l’ont connu ensuite dans les combats politiques. A 27 ans, il opte pour la profession d’avocat. Il vit toujours chez sa mère, mais les choses ont changé : à la mort du grand-père, Benedict, toute la famille est partie s’installer à Neuilly-sur-Seine, à trois pas du domicile de Paul Sarkozy. C’est là que le virus de la politique l’a saisi.



En 1974, il a assisté à son premier meeting, celui de Jacques Chaban-Delmas, que Jacques Chirac vient de trahir en faveur de Valéry Giscard d’Estaing. Mais, quelques mois plus tard, le voilà repeignant la permanence UDR de Neuilly. Il s’engouffre dans le RPR, fondé par Jacques Chirac. Il a trouvé sa voie, son stimulant, son ambition. Désormais, il va réveiller souvent sa mère pour lui annoncer : "Maman, j’ai été élu trésorier, secrétaire de section, délégué départemental des jeunes RPR des Hauts-de-Seine..."

Aux assises du RPR de juin 1975, il a été désigné comme le "jeune" - il y en a toujours un dans ces grands-messes - qui doit prendre la parole en fin de séance. Il a préparé un discours gonflé : "Etre jeune gaulliste, c’est être révolutionnaire ! " Une chance que Charles Pasqua, secrétaire de la fédération des Hauts-de-Seine, soit aussi un des patrons du RPR : il l’a repéré. Le maire de Neuilly, Achille Peretti, aussi, qui l’a fait entrer dans son conseil municipal. Nicolas a des parrains de choix. Il le sait. Lorsqu’il se marie, à 27 ans, avec une jeune femme d’origine corse, Marie-Dominique Culioli, il choisit deux témoins : son ami Brice Hortefeux et Charles Pasqua.

Une carrière politique est toujours faite de mille élections, de mille défaites, de positions conquises et de stratégies réglées. Arrêtons-nous cependant à Neuilly, où Nicolas spectaculairement va commencer son parcours.

A trois pas de là, à Levallois, un autre jeune loup se fait les dents sous la houlette de Charles Pasqua, Patrick Balkany. Les deux jeunes gens se connaissent bien. Le père de Balkany est hongrois, lui aussi, et fréquente Paul Sarkozy depuis longtemps. Les deux fils d’immigrés s’amusent mutuellement. Ils ne se perdront jamais de vue très longtemps, même lorsque Balkany aura la justice à ses trousses. Pour l’heure donc, le jeune Balkany, qui vient d’être élu maire de Levallois en mars 1983, apprend quelques semaines plus tard la mort d’Achille Peretti. Il téléphone à cinq minutes d’intervalle à Nicolas et à Pasqua. Le premier est censé aider le second à rafler la mairie. La suite va construire durablement l’image de Nicolas Sarkozy au sein du RPR.


Car Nicolas a décidé de faire campagne pour son propre compte et de doubler Pasqua. Ses frères, consultés, ont été horrifiés : "Mais tu es bien trop jeune ! " Les rares autres dans la confidence sont terrifiés à l’idée des représailles pasquaïennes. Nicolas visite pourtant méthodiquement, un à un, tous les conseillers municipaux. Il a un talent d’enfer : en quelques jours, il a convaincu tous le monde de voter pour lui, et rafle la mise à la barbe du grand spécialiste des élections internes du RPR. Il a 28 ans et le voilà avec Pasqua pour ennemi, mais maire de Neuilly.

Neuilly-sur-Seine. On a souvent dit qu’être maire de l’une des communes les plus huppées de France pourrait s’avérer un handicap profond aux yeux de l’opinion publique. Si l’on regarde la stratégie politique de Nicolas Sarkozy, en tout cas, cela l’a considérablement aidé. Car non seulement la mairie lui donne les moyens de recruter des collaborateurs de haut niveau, mais elle lui offre surtout un panel de concitoyens hors pair. La plupart des grands patrons français, des stars des médias y habitent. Et Nicolas Sarkozy organise des dîners à la mairie pour rencontrer ces administrés puissants. C’est ainsi qu’il fera la connaissance de Martin Bouygues, dont les enfants fréquentent la même école que les siens, de Jean Reno, son voisin, du patron de LVMH, Bernard Arnaud, qui deviendra le témoin de son second mariage, de Jacques Attali, qui le présentera à François Mitterrand, et de centaines de grands patrons de la médecine, de dirigeants d’entreprise, d’avocats. Il a aussi rencontré l’un des plus célèbres animateurs de télévision de France, Jacques Martin, ainsi que sa jeune épouse, Cécilia. Les deux couples sont devenus très amis. Ils ont deux enfants chacun. Il va survenir cependant, en 1988, l’un de ces drames privés qui déchirent les familles mais va modifier la façon dont Nicolas Sarkozy conçoit son parcours. Nicolas et Cécilia tombent amoureux. Divorce, scènes, brouille à tout jamais avec Jacques Martin. Désormais, Cécilia Sarkozy (ils se marieront en 1996) va contribuer à la carrière de son mari : "La politique est un monde tellement violent, dit-elle, qu’il vaut mieux être deux."

Elle ne croit pas si bien dire. Car Nicolas Sarkozy est maintenant entré dans le monde des grands fauves du pouvoir. Avec son exploit de Neuilly, Jacques Chirac a fini par le remarquer. Nicolas est le roi de l’organisation, il a dix idées à la minute, il travaille quatre fois plus que tout le monde. Comment ne ferait-il pas la figure du type indispensable qu’il faut à un présidentiable ? En 1988, il organise déjà tous les meetings du candidat à la présidentielle. Après la défaite, il prend plus de poids encore. Avec son intelligence et ses réseaux, il a mis sur pied des petits groupes qui déjà planchent pour fournir le corpus d’idées qui pourraient servir à Chirac pour rebondir. Il est le plus jeune, sans aucun doute, parmi ceux qui entourent le maire de Paris. Et ce dernier a une fille, Claude, qui, elle aussi, tranche un peu parmi les barons. La cadette des Chirac cherche sa voie ? Il la prend sous son aile, lui apprend les coulisses des campagnes électorales, dont elle n’a vu, au fond, que la figure paternelle se détachant à la tribune. "Un jour, raconte Jean-Michel Goudard, Claude m’a dit : "Il faut que tu rencontres un type formidable ! " Et elle m’a présenté Nicolas." En se liant avec la fille, Sarkozy va entrer dans l’intimité du père.

Il est le meilleur de sa génération, ça, Chirac l’a bien compris. Il a surtout vu qu’il était le plus utile. Les talents de Nicolas Sarkozy sont donc bien employés. Direction de la cellule présidentielle, réunions stratégiques, introduction dans le sein des seins du pouvoir. Présentation au conseiller politique Edouard Balladur. De Balladur, Sarkozy sait déjà pas mal de choses. Son plus jeune frère, François, a fait ses études de médecine avec l’aîné des Balladur, Pierre. Ils étaient compagnons de sous-colle pour préparer l’internat, et François a déjà raconté les dîners boulevard Delessert, dans le XVIe arrondissement, et les week-ends à Deauville. Nicolas a bien vu "M. Balladur" revenir peu à peu à la politique. Mais, en le rencontrant, il est franchement séduit. Edouard Balladur aime manier les idées, il aime rire aussi, et rien ne lui convient mieux que la fréquentation de ce jeune député-maire de Neuilly qui affiche l’ambition non seulement d’agir, mais aussi de renouveler le substrat idéologique de la droite.

La suite est connue. Elle va se résumer en un mot qui va coller à la peau de Nicolas : trahison. Car Edouard l’a propulsé ministre du


budget, porte-parole du gouvernement, quand Chirac le maintenait dans un rôle subalterne à son goût. Porter la parole du gouvernement, communiquer, ça il sait parfaitement le faire. Mais le budget de l’Etat ? Il n’a aucune idée de la façon dont tout cela marche : il n’a jamais fait partie ne serait-ce que de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Devant ses collaborateurs, tous inspecteurs des finances, il tient franchement ce langage : "Il va falloir me former." Il a toujours dit qu’il aimait le travail. Il va le montrer. "Il ne connaissait pas les problèmes de fond des finances, ne savait pas comment marche le ministère, n’avait jamais présenté un budget, raconte aujourd’hui celui qui fut alors son directeur de cabinet, Pierre Mariani, recommandé à Sarkozy par Jean-Marie Messier. Alors, nous lui avons fait des notes. Tous les soirs, nous le retrouvions à l’heure du dîner. On lui exposait les problèmes, il posait des questions, on le faisait répéter. Je dois dire que cela rentrait vite. En trois mois, il a paru au point."

Régulièrement, le directeur général des impôts arrive dans le bureau du ministre avec sa liste de contrôles fiscaux sensibles. Ah, le budget est un bon poste d’observation ! On y voit passer les situations fiscales de certains ministres, celles de ses ennemis, celles de Bernard Tapie ou d’un entrepreneur RPR client de la mairie de Paris nommé Jean-Claude Méry... Sarkozy a-t-il utilisé cette arme contre ses adversaires chiraquiens ? "Je jure sur la tête de mes enfants que non ! ", insiste Pierre Mariani. "J’ai toujours pensé qu’il y avait plus de risque à intervenir qu’à laisser faire l’administration fiscale à sa guise", a toujours dit Nicolas Sarkozy.

Le pouvoir rend parfois fou. Et Nicolas Sarkozy est bien prêt de déraper. Cécilia, qui a un bureau à Bercy comme elle, en a un aujourd’hui au ministère de l’intérieur, y organise les dîners les plus courus de Paris. Le patronat, la presse, toute la France paraît balladurisée. Le 28 janvier 1995, lorsque Nicolas fête ses quarante ans, Jean-Michel Goudard, qui s’acharne à construire l’image d’un Jacques Chirac apparemment au plus bas mais a gardé des liens avec son ami, est le seul parmi les quarante invités des Sarkozy à soutenir


que tout peut encore basculer. TF1, que possède l’ami Martin Bouygues, n’a d’yeux que pour Edouard Balladur, François Léotard et, bien sûr, Nicolas. "Je n’ai jamais eu d’amitié affairiste avec lui", se défend pourtant aujourd’hui Martin Bouygues, qui s’agace que l’on puisse lier l’essor de son groupe dans les télécommunications à ses relations avec celui qui fait alors figure - déjà - de numéro deux du gouvernement. Il n’empêche, dans le combat qu’il mène pour Edouard Balladur, Nicolas Sarkozy ne recule devant rien. Ni devant la rumeur, ni devant l’intox, ni devant la menace. C’est bien simple, le combat le surexcite. Aux chiraquiens il lâche le "Tu ne me fais pas peur ! " de son enfance, aux hésitants il fait valoir : "Tu devrais faire attention, nous serons au pouvoir pour sept ans." La campagne est épouvantable. Elle laissera un goût amer dans les deux camps. Mais, quelques jours après l’échec d’Edouard Balladur, son ami Brice Hortefeux lui confie : "La prochaine fois que je me tue autant dans une campagne présidentielle, ce sera pour toi ! " Sarkozy, presque seul dans ce Bercy qu’il n’a pas encore quitté, constate seulement : "Il y a trois mois, les journalistes me demandaient : vous voyez-vous premier ministre ? Aujourd’hui, ils ne me posent qu’une seule question : comment envisagez-vous votre traversée du désert ? "

Pour ce voyage-là, il peut s’accrocher, en effet. Car la porte de l’Elysée paraît durablement fermée. Alain Juppé, qui cherche désespérément des talents à droite, a évoqué très vite en 1995 l’hypothèse d’un retour de Nicolas devant Jacques Chirac. Il n’est pas le seul. Mais tous ceux qui plaident la cause du "traître" entendent le président lâcher la même phrase cinglante : "Celui-là, il faut lui marcher dessus, il paraît que ça porte bonheur ! " Jean-Michel Goudard, qui explique bravement à Bernadette Chirac qu’il a revu Nicolas à New-York, voit la première dame tourner les talons : "Vous, alors, vous êtes vraiment bizarre ! " Claude Chirac ne prononce même plus son nom. Le sarkozysme paraît sinistré.

Il va lui falloir rafler le RPR des mains d’un Alain Juppé exsangue, juste après la dissolution de 1997, en passant une alliance avec Philippe Séguin, pourtant à mille lieues de ses positions politiques,

pour effectuer un retour au premier plan. Mais, en 1999, son échec aux élections européennes le laisse groggy. A-t-il alors vraiment été tenté d’abandonner la politique ? "Moi, en tout cas, je l’y poussais", reconnaît Cecilia Sarkozy. " Il était évident qu’il aurait pu passer dans l’entreprise", explique Martin Bouygues. "Je l’ai vu se poser la question de tout lâcher, affirme Brice Hortefeux, mais je ne l’ai jamais entendu y répondre oui." Sarkozy reprend cependant ses activités d’avocat-conseil de LVMH ou de Bouygues Télécom, écrit des scénarios. Surtout, il se plonge dans la rédaction de son livre Libre, qui expose toutes ses idées de potentiel premier ministre.

Car il décide assez vite de mettre ces années-là, de 1999 à 2002, à profit pour rencontrer tout ce qui compte et agit dans la société française. Le travail est toujours la solution qu’il trouve aux difficultés. Il s’y met donc. Prend des cours d’anglais, étudie scientifiquement les mouvements d’opinion avec les plus grands instituts de sondage, prépare chaque intervention médiatique comme s’il passait le baccalauréat. "Quand on doute de lui, il faut aller le voir, explique son ami Pierre Charon, ancien conseiller en communication d’Edouard Balladur. On entre dans son bureau avec trois idées, on en ressort avec dix des siennes." Il peaufine aussi sa place dans le pôle libéral de la droite. C’est une situation périlleuse. Il sait que les Français restent étatistes, que l’Elysée se méfie, depuis l’échec des années Juppé, de tout ce qui pourrait associer Chirac à une politique antisociale. Son frère Guillaume, chef d’entreprise et responsable du Medef pour le textile, l’a suffisamment critiqué lorsqu’il était à Bercy pour qu’il mesure la difficulté de satisfaire les patrons et les salariés. Le soir du 7 mai 1995, Guillaume n’était-il pas place de la Concorde à fêter la victoire de Jacques Chirac ?

Mais Sarkozy a confiance en son propre talent. A-t-il pourtant conscience que c’est encore à l’Elysée, dominé par les juppéistes, que l’on trouve les esprits les plus critiques à son égard ? "Il est trop de droite et trop envahissant pour que Chirac le nomme à Matignon", affirme le conseiller du président, Jérôme Monod, qui ne l’aime pas. Y-a-t-il quelqu’un d’autre à droite qui ait avancé autant d’idées
a vos jugements

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